Dossier

Etat des lieux sur la mode éthique en 2023

Dites aussi “durable”, la mode éthique s'inspire du modèle du commerce équitable en se souciant de l’aspect social et environnemental de sa production et distribution. Elle a toute sa place aujourd’hui, portée par un écosystème qui tend à plus de transparence et d'éco-responsabilité.

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Cette conduite est une nécessité pour répondre aux graves impacts de la fast-fashion, tant sur le plan éthique que social et environnemental. Voici quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes et la classent sans surprise comme le deuxième secteur le plus polluant de la planète, juste derrière l’industrie du pétrole :

  • Elle représente 8% des émissions de carbone
  • Elle épuise les ressources d’eau pour la confection de vêtements (elle utilise environ 4% de l’eau potable disponible).
  • Elle participe à la pollution des océans en relâchant des tonnes de microparticules plastiques.
  • Elle utilise des produits chimiques en importante quantité.
  • Elle exploite des travailleurs dans des conditions souvent précaires.
La rivière de la ville de Wangli dans la province chinoise du Zhejiang, est devenue connue sous le nom de “rivière rouge” en raison de son niveau élevé de pollution à cause des colorants utilisés par la fast-fashion.

En parallèle, le marché de la mode éthique trouve sa profonde légitimité et se montre en incontestable expansion même si certains freins ralentissent encore son explosion. Les offres se sont diversifiées ces dernières années, accueillies par une clientèle de plus en plus sensibilisée à ces enjeux écologiques. L’intérêt et les changements de mentalité sont indéniables même s'ils restent encore frileux dans le passage à l'action.

Un public de caractère

Dans le domaine de la mode, suite à la catastrophe au Rana Plaza qui a coûté la vie à 1135 personnes en 2013, il y a eu une prise de conscience soudaine des consommateurs sur la dure réalité des conditions de travail de la main d'œuvre étrangère et les méthodes de fabrication. De là est née une exigence de transparence auprès des marques sur toute la partie non visible de leur production qui, jusque-là, était cachée au grand public.

Une demande toujours plus exigeante de la part des consommateurs

Il ne s'agit plus d'agir dans l'ombre ou de cacher telle ou telle action qui ne fait pas très propre sur le papier. Les consommateurs réclament la preuve que l'achat qu'ils s'apprêtent à faire correspond bien aux valeurs qu'ils y recherchent, celui du respect environnemental et sociétal. 

Transparence

Les marques se doivent d'être transparentes, de donner les informations sur la production du vêtement vendu, de l'achat de matière première au produit fini. Elles doivent gagner la confiance du client, en lui prouvant que sa démarche éthique ne consiste pas qu'en une action de marketing pour se donner une belle image mais témoigne d’un réel positionnement éco-responsable.

Lorsque les consommateurs achètent une pièce de mode éthique à ajouter à leur armoire, leurs principaux paramètres d'achat sont le respect animal et les conditions humaines de production. Viennent ensuite l'impact des transports, l’origine de la matière, la production locale, le recyclage et la consommation d'eau pour la production.

Bilan de consommation selon Statistica, répondant à la question  “Lorsque vous achetez des vêtements en général, quels sont les principaux critères parmi les suivants que vous prenez en compte pour faire votre choix ?”

Fashion Revolution a fait un sondage auprès de 5000 personnes âgées de 16 à 75 ans parmi les cinq plus grands marchés européens (Allemagne, Royaume-Unis, France, Italie et Espagne) pour mesurer les attentes du public vis-à-vis des marques. Les résultats ont montré que 80 % du public voudrait que les marques montrent les usines utilisées pour la confection de leurs vêtements, et 67% souhaiteraient qu'elles donnent plus de détails sur les matériaux utilisés.

Asphalte est une marque de vêtements pour hommes et femmes qui joue complètement la carte de la transparence. Sur la page de prévente de leurs produits, ils vont détailler toutes les informations de production : le nombre de km parcourus, la provenance exacte des matières utilisées, le nom des partenaires qui sont intervenus dans le processus de fabrication, les chiffres statistiques de l’impact environnemental du produit. Une démarche de transparence et de traçabilité qui séduit et convainc le public au vu de son succès.

ASPHALTE et leur transparence écologique sur leur page produit

Eco-responsabilité

Les mentalités, même si l'achat ne suit pas tout le temps, sont de plus en plus tournées vers un comportement éco-responsable, et ce quels que soient les secteurs d'activité. Que ce soit dans l'alimentaire ou dans la "Tech for good" par exemple, la mode éthique n'est pas un secteur isolé. 

On peut noter qu’en 2020, 46% des Français ont acheté un article éco-responsable (chaussure, sac, habit…). Et ils sont 61% à vouloir continuer sur cette lancée. 

Plus qu’une tendance, c’est un mouvement de fond qui prend de l’ampleur. 

On peut le voir notamment en regardant les mots clés dans les recherches des consommateurs sur internet. En France, le nombre de recherches autour de la mode éco-responsable a augmenté de 50% en 2019. Sur les réseaux sociaux également on peut remarquer l’ampleur de cette thématique en suivant les influenceurs qui y font de plus en plus référence dans leurs partages.

La demande augmente et se fait plus présente, et les offres aussi sont de plus en plus nombreuses et variées pour diversifier ce marché éthique et responsable. C’est une dynamique positive qui fait émerger de nouveaux acteurs entreprenants et engagés.

Le comportement des consommateurs

Recyclage et seconde main

De manière générale, il y a un regain d'intérêt pour le recyclage et l'achat de vêtements de seconde main. De nombreuses plateformes et friperies dédiées à ce genre de démarche voient leur taux de popularité exploser. Des plateformes comme Vinted ou United Wardrobe sont de plus en plus prisées, notamment par les jeunes.

Les bilans mitigés des soldes ces trois dernières années montrent bien que cette course à la promotion et la guerre des prix reflètent de moins en moins l'attitude des consommateurs. À côté de ça, en deux ans, entre 2019 et 2021, le nombre d’achats de seconde main a augmenté de 140%. 

Achat conscient et achat plaisir

Aujourd'hui, plus de 50% de la population pense que "consommer" rime autant avec "plaisir" que "responsabilité". 

Dans l'esprit des consommateurs français, poser un acte d'achat demande de prendre ses responsabilités. Les enjeux environnementaux et éthiques sont importants au quotidien (tri des déchets, pas de gaspillage...), et cette préoccupation rejaillit dans leur comportement d'achat dans le secteur de la mode.

La part de la consommation spontanée reste importante, et cette nouvelle manière consciente de consommer est en transition, car de nombreux freins subsistent encore. Pour 50 % de la population, un comportement responsable est un objectif, et non une règle de vie. Selon différentes études, 82 % des Français tendent à adopter une attitude plus responsable.

Il ne faut pas non plus écarter la notion de plaisir dans l'acte d'achat, qui a autant pour but de répondre à un besoin qu’à une envie raisonnée ou non.

Responsabilité et plaisir sont ainsi perçus comme des éléments complémentaires de la consommation.

Lever les freins du public, le défi des acteurs de la mode éthique

Malgré l'essor considérable de la mode éthique ces dernières années, et un public de plus en plus réceptif et impliqué dans la défense de valeurs éco-responsables, il existe quelques freins qui empêchent les consommateurs de changer définitivement leur comportement

Prix

Le premier frein qui revient sans surprise est le prix, qui retient de nombreux consommateurs. 

Évidemment, le processus de production de pièces de mode éthique justifie un prix plus élevé que chez les concurrents de la fast-fashion. Ce qui est tout à fait compréhensible, car le principe de la mode responsable, c'est de respecter et l'environnement (donc choisir avec soin ses matières premières) et les conditions de travail (donc rémunérer équitablement la main d'œuvre). Cette différence de prix, une grande part des consommateurs la comprend et l’accepte lorsque la marque l'explique par sa transparence.

Le plus important pour le client est de comprendre pour quoi et à qui revient cet argent lors de l'achat d'une pièce éco-responsable. Cependant, même si les valeurs d'éco-responsabilité sont partagées par les clients, les portefeuilles restent réticents à passer à l'acte d'achat, tous les budgets ne permettent pas de telles dépenses.

On peut tout de même noter que de plus en plus d'offres en milieu de gamme commencent à naître sur le marché de la mode éthique pour convenir à un plus large segment de clientèle.

Difficulté d'accès aux marques et manque d’expérience client

Un autre frein important, qui tend à disparaître peu à peu, c'est le manque d'information et la difficulté à trouver des interfaces de vente pour ce genre de produit. Il y a plein de nouvelles marques qui se lancent depuis quelques années, mais cela reste difficile pour le consommateur de rentrer en contact avec elles sans en avoir entendu parler au préalable par quelqu'un, ou les suivre sur un réseau social.

Et puis, acheter c'est bien, mais voir avant acheter, c'est mieux. Souvent les clients veulent essayer, toucher la matière des pièces, découvrir le vêtement qui les intéresse, et il existe très peu de boutiques ou pop-up stores qui proposent cette proximité aux consommateurs.

Il y a plusieurs plateformes qui se sont créées et qui recensent et proposent à la vente des produits venant de différentes marques en un seul site e-commerce. Une aubaine pour les internautes qui veulent faciliter et centraliser leurs achats.

C'est dans ce but qu'en mars 2018 WeDressFair a créé, suite à une campagne de crowdfunding, sa plateforme de mode éthique qui propose à la vente des produits de marques transparentes et responsables. Depuis sa création la select store a très largement augmenté le nombre de marques dont elle commercialise les vêtements pour diversifier les styles en passant d’une quinzaine d’enseignes à plus de 80 marques référencées.

Les sélections de WeDressFair

Et pour ne pas tabler seulement sur le e-commerce mais aussi rencontrer le consommateur et lui offrir une expérience d'achat agréable, elle a même ouvert une boutique à Lyon. Un concept grandissant qui permet aux consommateurs de trouver plus facilement ce qu'ils recherchent sans avoir à remuer ciel et terre pour se vêtir de manière responsable.

Un peu dans le même registre, Forlife est une marque de mode éthique qui a ouvert un concept store dans lequel il est possible de voir les différentes pièces créées et d’essayer des prototypes pour choisir sa taille. C’est en quelque sorte une cabine d’essayage géante. En revanche, il est impossible de repartir avec un vêtement. Ils restent exclusivement disponibles en précommande pour éviter la surproduction et une mauvaise gestion des stocks. Malgré tout, l’expérience du vêtement a été faite par le consommateur qui peut être entièrement confiant en achetant son vêtement, même si le délai pour le recevoir sera de plusieurs semaines.

Cabine d'essayage de Forlife à Paris

L’évolution de la mode vers une démarche responsable

Nouveau Business Model : la prévente

C’est un nouveau business model en plein boom ces dernières années dans le secteur de la mode : la précommande. Environ 50% des dirigeants pensent aujourd’hui que c’est un levier stratégique avantageux.

Il y a un intérêt certain à faire tourner sa production suivant ce modèle de prévente. Ne sont produites que les pièces commandées en amont par le consommateur. Ainsi la gestion des stocks n’est plus un problème, on ne parle plus de surplus ou de gâchis. C’est un système éco-responsable qui répond parfaitement au problème de la surconsommation et de la surproduction.

En utilisant ce modèle, Asphalte choisit après son délai de précommande de produire 5% de stock supplémentaire pour les clients qui voudraient changer de taille. Ainsi la satisfaction client reste complète et cela assure une certaine sécurité lors de l’achat alors que le produit n’a pas été essayé.

Sans intermédiaire et en privilégiant une vente directe avec le consommateur via un site e-commerce ou une campagne de précommandes, les marques peuvent ainsi s’approcher d’un prix qui allie la qualité et le savoir-faire à l’accessibilité. En fonctionnant en circuit court, on assure des marges plus justes et peu de pertes.

Ce système de prévente permet de diversifier son offre en proposant des pièces variées en en maîtrisant toujours la production. Réuni par exemple est une marque qui a lancé en 2019 son premier gros pull d’hiver, un produit unique. Aujourd’hui l’enseigne propose de nombreuses pièces allant du manteau, aux chaussures, du top aux boucles d’oreille avec un calendrier de vente limité. Chaque pièce est vendue en précommande sur une durée déterminée avant sa production. 

Il existe donc un délai entre l’achat et la réception du produit fini qui demande d’avoir un nouveau rapport au temps. Et donc un nouveau mode de consommation qui n’est plus dans l’achat compulsif mais dans l’achat responsable.

C’est donc un avantage à la fois pour la marque qui maîtrise au plus près tout son processus de production et mesure facilement l’intérêt du consommateur, et pour le public qui peut remplir son dressing de belles pièces avec la qualité du luxe au prix du prêt-à-porter.


La co-création avec le public

De nombreuses marques de mode éthique, surtout celles qui suivent le modèle de la prévente, proposent aux consommateurs de participer à la création des pièces : couleur, coupe, matière… 

Réuni et Surprise Paris par exemple utilisent cette méthode en créant des formulaires et en invitant la communauté à donner son avis et exprimer ses besoins. C’est une manière de coller fortement aux désirs du client et d’anticiper l’intérêt du consommateur. Asphalte le fait également avant de concevoir ses pièces.

La co-création d’un hoodie avec ASPHALTE


Cela permet d’être proche du client et de fidéliser une communauté en lui proposant un produit qui s’approche du sur-mesure en répondant exactement à ses attentes. Le client devient d’une certaine manière acteur de la création son propre dressing.

La révolution des matières

On assiste aussi à une révolution des matières pour répondre aux enjeux écologiques. De nombreuses recherches et études sont faites pour trouver les fibres et matières premières les plus respectueuses de l'environnement. Il en va de même pour les teintures, pour retourner vers quelque chose de naturel.


Le lin

Jean en lin Le Gaulois

Le lin est une fibre naturellement éco responsable dont la culture nécessite très peu d'engrais et de pesticides, et à peine d'eau. Le taux de rendement au mètre carré est bien plus avantageux que pour toute autre matière. Avec un hectare de lin, il est possible de faire 2200 chemises.

Le lin représente 1,4% de la production mondiale de fibres textiles. La France en est le premier producteur mondial, avec 98 000 hectares principalement en Flandre française, Picardie, Normandie, Bretagne et Pas-De-Calais. La région normande représente à elle seule 50% de la production mondiale de fibre de lin. 

Le plus gros avantage écologique de cette matière première, c'est que le procédé de transformation du lin en fil est naturel, contrairement à celui du coton par exemple, qui est chimique. C'est une matière hypoallergénique et antibactérienne qui ne pose aucun problème dermatologique et assure bien-être et confort à ceux qui la portent.

Le Gaulois Jeans est une marque de jean Made In France qui a lancé sa marque en 2019 suite à une campagne de crowdfunding. La marque tisse ses toiles avec du lin produit en Normandie, qui nécessite zéro irrigation, zéro OGM, zéro déchet, zéro produit chimique, et très peu d'eau. 


Le chanvre

Jean en chanvre Le Gaulois

Le chanvre est une plante, tout comme le lin, qui est très résistante aux maladies et à la sécheresse. Sa culture ne demande donc pas d’eau ni de fongicide ou pesticide. 

Elle est traditionnellement cultivée pour sa graine riche en protéines et vitamines E et pour sa fibre dans la filière des agromatériaux. Depuis 2017, l’association LCbio cherche à faire renaître le chanvre dans la filière textile-habillement en utilisant le modèle du lin avec des procédés adaptés. 

En 2018 les premiers résultats obtenus étaient encourageants, et ils ont aboutis davantage en 2020 avec la création du premier jean en chanvre avec Le Gaulois.

Depuis, les objectifs sont de multiplier les hectares d’essais et d’améliorer et modifier le matériel de récolte pour augmenter la qualité et la longueur de la fibre de chanvre. Mes recherches progressent et sont prometteuses pour la suite.

Matière à base de plastique recyclé

Hopaal - Matière Polyester recyclé et Patagonia - Fil de Polyester recyclé

On parle beaucoup de matière naturelle, mais la fibre issue de plastique recyclé a aussi la côte.  C'est une manière d'utiliser les déchets et de leur donner une deuxième vie éco responsable.

La marque Patagonia a été la première à proposer en 1993 du polyester recyclé à partir de bouteilles de soda et de chutes de tissu. Cette innovation permet de réduire sa dépendance aux matières premières polluantes par leur production et de limiter les déchets auxquels l'on donne une nouvelle utilisation.

La marque Hoppal propose, elle aussi, des vêtements uniquement tissés à base de coton bio recyclé (60%) et de polyester recyclé qui provient de bouteilles plastiques (40%). Ces matières recyclées et remises à l'état de fibre consomment seulement 50 litres d'eau pour créer une pièce, contrairement aux 2700 litres utilisés pour un maillot de corps standard.

Le fil Seaqual est également innovant dans ce domaine. La marque espagnole propose une fibre polyester qui dépollue l'océan, puisque le fil est conçu à partir des déchets plastiques qui sont collectés par près de 400 bateaux partenaires dans la mer Méditerranée. La fibre a les mêmes qualités et propriétés qu'un fil réalisé à partir de fibres de polyester vierges.


Autres matières innovantes

MYCOWORKS -  Cuir Mycelium  et Benjamin Benmoyal -  Manteau fait à partir de bandes magnétiques des cassettes VHS

De nombreux créateurs ne cessent de trouver des idées ingénieuses et étonnantes pour révolutionner la matière.

Benjamin Benmoyal, par exemple, tisse ses propres étoffes en utilisant les bandes magnétiques des cassettes audio et VHS en les mixant avec du fil. Il crée ainsi des manières uniques à base de produits anciens et inutilisés qu’il recycle dans son atelier.

Du cuir végétal grâce aux champignons. Étonnant mais véridique, comme on peut le voir chez la startup Mycoworks qui utilise de mycélium des champignons pour créer sa matière première et a sorti sa première pièce en collaboration avec Hermès.


Le concept de recyclage et ses variantes

Seconde main

L’achat de seconde main est en plein essor, et 2021 a été une année record dans ce secteur. avec une augmentation de 51%. Sûrement le fruit de cette période de pandémie où les boutiques étaient fermées et les modes de consommation ont dû être bouleversés.

La plateforme Vinted a été classée deuxième site e-commerce préféré des français en mars dernier avec 16 millions d’utilisateurs, signe de sa popularité. 

Plusieurs grandes enseignes ont compris qu’elles devaient s’adapter à cette tendance pour séduire une cible principalement composée de femmes (82%) et de millenials (33%). La Redoute a lancé La Reboucle, Zalando propose une interface de produits d’occasion, et on pourrait en citer d’autres encore.

Selon une étude ThredUp de 2019, la seconde main devrait même dépasser la fast fashion en 2028 et peser 13% des achats, quand la fast fashion en serait à 9%. 


Upcycling

Une nouvelle tendance s'est lancée également, devenant maintenant une vraie démarche dans le monde de la mode : l'upcycling, ou surcyclage dans son terme français.

Le principe est de donner une deuxième vie aux vêtements ou tissus usagés en les transformant en pièces neuves. Mais plus que de faire du neuf avec du vieux comme le propose le recyclage, l'upcycling propose de faire du beau avec de l'usagé.

Cela consiste à récupérer des chutes de tissus ou des habits déjà existants pour les retravailler et leur donner un style propre ou même les transformer en une autre pièce ayant une nouvelle fonctionnalité, comme un jean devenant une jupe par exemple.

Plusieurs marques sont nées et perpétuent cette tendance qui devient plus qu'une mode, une activité. D'autres proposent des gammes de vêtement tirées de l'upcycling, comme Asos par exemple avec son offre "Asos Reclaimed Vintage".

RE/DONE "iconique.durable.unique" est une enseigne d'upcycling de luxe, qui reprend des produits de marque pour en réutiliser la matière. Noyoco est également une marque dont 50 à 70% de la matière première est dite “deadstock”, c’est-à-dire qu’elle vient du surplus de production de grandes maisons souvent italiennes. Cela permet de ne pas créer de matière supplémentaire et d’éviter le gâchis !

La démarche de Noyoco


Leasing et réparation

Les marques sont de plus en plus innovantes en matière de recyclage, avec l'upcycling, mais aussi le leasing et la réparation.

Prenons l'exemple du jean, une manière très prisée pour le recyclage et qui voit fleurir de nombreuses offres dans ce sens. Sur le modèle de la fast fashion, la production d'un jean traditionnel en coton est très polluante, et la slow fashion veut y remédier.

Veja a ouvert en juin 2020 un Magasin-Cordonnerie à Bordeaux pour aller au bout de son concept “ Les baskets les plus écologiques sont celles que vous portez déjà”. Dans cet espace de 350 m², il est possible de venir faire réparer et nettoyer sa paire de basket fétiche, qu’elle soit de la marque Veja ou non. S’il est impossible de lui donner un second souffle, des bacs de recyclage sont mis en place dans la boutique pour récupérer toutes les matières premières et le réutiliser par la suite.

Boutique Veja pour réparer ses baskets

La marque Made In France 1083 a développé son offre "Le jean infini". Il s'agit du premier jean français recyclable, recyclé, et consigné ! Le client achète son pantalon pour une durée illimitée, et le rapporte à la marque lorsqu'il ne le porte plus. On lui rend sa caution de 20€, et le jean est alors reconditionné et transformé en jean infini neuf. Le client participe ainsi très facilement à l'économie circulaire dans laquelle les déchets sont recyclés !

La marque Circle Sportswear qui propose, comme son nom l’indique, des vêtements de sport éco-responsables, a un projet “fin de vie” qui cherche à aller au bout de la circularité de son business model. Ils veulent mettre en place un système de consigne où il sera possible de renvoyer son vêtement contre un bon d’achat. Pour les membres du club, sera proposé la réparation ou l'échange gratuit du produit Circle en fin de vie. Les produits récupérés pourront être donnés à des associations ou bien recyclés pour donner naissance à de nouvelles pièces.

C'est une boucle infinie dans laquelle les déchets deviennent à nouveau des ressources.


Location courte durée 

Une autre tendance existante est la location courte durée. Des plateformes comme Closet, Panoply ou Le Grand Dressing proposent ce genre de service. Cela permet de diversifier son dressing sans avoir toute une collection de vêtements qui prennent la poussière dans un coin de son armoire.

Ce concept émerge principalement aux Etats-Unis avec le site Rent The Runway qui a été lancé en 2009. Cependant, ce système de location est difficile à généraliser car il demande une logistique bien huilée et orchestrée à la baguette.

La mode éthique, outil marketing ou valeurs incarnées par la marque ?

La méfiance est parfois présente chez le consommateur. Une interrogation demeure : à quel point les marques qui se présentent comme responsables et éthiques le sont-elles vraiment dans la totalité de leur démarche ?

Dans la mesure où elles communiquent sur ce qu'elles ont envie de dévoiler et non dans une transparence totale sur toute la chaîne de production (sauf sur de nouvelles marques qui se lancent conscientes de ce besoin d'honnêteté), jusqu'où est-il possible de leur faire confiance ? D'où la demande de transparence totale des consommateurs comme preuve d'intégrité.

Les valeurs éthiques et environnementales ne sont pas qu'un outil de marketing que les marques peuvent utiliser à tort et à travers pour s'attirer les bonnes grâces du public. De nombreuses réglementations du commerce équitable créent un cadre légal tout comme l’obtention de labels reste surveillée.

Donner des preuves tangibles

Il y a là tout un paradoxe. Le public blâme les entreprises qui n'ont que faire des enjeux éthiques, il réclame une prise de responsabilité de la part des marques, mais pour autant ne fait pas facilement confiance à celles qui se présentent avec les valeurs qu’il cherche.

D'où l'importance de la communication, mais surtout de la transparence.

Oui, se revendiquer comme prenant en compte ces problématiques dans le fonctionnement de son entreprise et la production de ces produits, c'est bien. Mais pour convaincre la clientèle, il faut pouvoir le prouver, l'expliquer, le montrer concrètement. La transparence est essentielle pour assurer la confiance du public.

Certaines entreprises profitent d'une soi-disant transparence pour donner des informations sur le cycle de production de leurs produits tout en cachant d’autres infos moins reluisantes. Le public cherche de plus en plus des informations concrètes et chiffrées : nom des partenaires, localisation des usines, provenance des matières, nombre de kilomètres parcourus par le produit...

Donner des infos plus générales est déjà un premier pas, mais ces renseignements ne disent rien sur les conditions de travail par exemple qui peuvent être à contrario étrangères à tout respect social.

Le Made In Transparence

A contrario, Réuni, dont on a déjà parlé, a lancé sa marque avec une campagne de crowdfunding en novembre 2019 en prônant le Made In Transparence. Son but, accepter de ne pas être parfait, mais avancer en toute honnêteté avec le public pour atteindre ensemble une mode et une planète plus durable.

La marque communique sur la marge qu'elle se faisait lors de la vente de ses gros pull d'hiver. Sans rien cacher de ses coûts, elle reste transparente envers le consommateur qui sait pertinemment à quoi correspond chaque centime qu'il va dépenser dans son achat. Un sans filtre qui fait la valeur ajoutée de la marque et la positionne comme une véritable marque de mode éthique.

La transparence par Réuni


On a déjà parlé plus haut d’Asphalte également, qui donnait de nombreuses informations quantifiées sur la production de ses vêtements.

Pouvoir mettre en avant des valeurs éthiques pour une marque dans le secteur de la mode permet de se démarquer et d'avoir une bonne réputation. Il ne s'agit pas d'utiliser cet outil comme un moyen de marketing pour attirer et augmenter ses ventes, mais d'avoir une démarche intègre et juste qui justifie son positionnement.


Le rôle de la communication et du design

La communication est importante, non seulement pour justifier ses prix et séduire les prospects, mais aussi et surtout pour unir les clients autour de ces valeurs éthiques qui veulent transformer le secteur de la mode.

Cette transition de la fast fashion à la slow fashion et la mode éthique passera par les marques, évidemment, mais également par les clients qui agiront dans ce sens et changeront leurs comportements d'achat. Ce sont eux qui font vivre ce nouveau modèle de consommation, et ils sont les premiers à devoir être informés de ce qui leur est proposé.

Il va de soi que proposer une gamme de vêtements responsables n'est pas à lui seul un argumentaire de vente. Axer sur la communication et les valeurs du projet ne permet pas pour autant de faire l'impasse sur l'esthétique. Aussi bien celui de l'univers visuel de la marque que du style des produits qu'elle vend. Un produit sans style, bien qu'éthique, ne se vendra pas.

Comme quoi l'appellation mode éthique n'est pas qu'un simple outil marketing. Ce sont des valeurs qui fédèrent et fidélisent une clientèle, mais ce n'est pas ce qui les fait obligatoirement passer à l'acte d'achat. 


Des initiatives à l'échelle nationale et internationale

A l'international

En 2018, lors de la COP24 en Pologne,  48 marques et grands groupes ont signé la Charte de l'industrie de la mode pour l'action climatique sous l'égide des Nations unies. Leur objectif ? Réduire de 30% l'émission de gaz à effet de serre de l'industrie d'ici 2030. Une ambition difficile, mais un pari important quand on prend conscience de la responsabilité du secteur de la mode dans la pollution mondiale. 

Cette année, pour la COP26 en Ecosse, c’est la créatrice Stella McCartney qui représente le secteur de la mode. Elle défend une mode plus responsable et durable notamment dans le respect du bien-être animal et le défi de trouver de nouvelles matières premières.


En France

En France, Paris veut devenir la capitale de la mode responsable pour les JO de 2024 grâce à l'association "Paris Good Fashion".

Le projet, soutenu par LVMH, les Galeries Lafayette, l'Institut français de la Mode, la Fédération de la Haute couture et de la mode, ou encore Chanel et d'autres, est organisé autour de plusieurs grands axes : la création d'une économie circulaire, l'amélioration de l'approvisionnement et de la traçabilité, et le ciblage de certains processus voulus plus durables comme l'énergie, la distribution et la communication. Pas de contraintes, les marques s'engagent à leur rythme selon leurs problématiques avec comme point de mire 2024.

Un autre objectif de cette initiative, c'est de sensibiliser les jeunes créateurs à ces enjeux éco-responsables pour assurer la relève de cette démarche et assurer une transition efficace. Le collectif travaille à produire des rapports et proposer des webinaires pour informer et former en soutenant les initiatives durables qui sont prises dans le secteur de la mode et de l’art.


La Caserne

La mairie de Paris a initié en 2018 un nouveau projet pour propulser encore davantage Paris comme capitale de la mode éthique et novatrice dans l'univers textile : La Caserne.

Dans le 10ème arrondissement, en plein cœur de la capitale, une ancienne caserne de pompiers de 2000 m2 est devenue un espace dédié à la mode éthique. La Caserne a pour ambition d'être un accélérateur de la transition écologique de l'univers de la mode.

C’est un lieu de formation et de création, avec un accompagnement stratégique et commercial proposé aux marques incubées, des work shop, une fablab, un studio photo… C’est également un lieu d'échanges et de rencontres entre le consommateur et les créateurs, car les deux tiers de l'espace sont ouverts au grand public.

La Caserne aide à la visibilité de ses créateurs grâce aux espaces de vente en interne. Des événements et des conférences sont organisés pour faire vivre l'espace, ainsi qu'un rooftop et un restaurant qui le transforment aussi en un lieu de fête.

Présent en France, le projet veut s'ouvrir à l'international pour avoir un rayonnement européen. 

Plus qu’une tendance passagère, la mode éthique est un mouvement de fond qui vient ébranler les acquis de la fast fashion. Portées par un public conscient des enjeux actuels et du besoin urgent d’une consommation raisonnée, l’offre et la demande ne cessent d’augmenter.

Les habitudes commencent à changer, tant pour le public qui jette son dévolu sur les vêtements responsables et le marché de la seconde main que pour les marques qui revoient de plus en plus leur modèle économique.

La pression s’intensifie sur les acteurs traditionnels de la fast fashion qui cherchent eux aussi à se diversifier pour proposer des gammes ou services plus responsables. Ils sont encore bien trop puissants pour se sentir menacés et revoir tout leur fonctionnement, mais peu à peu les consommateurs repensent leurs comportements d’achat et les propositions alternatives se multiplient.

A ce rythme-là, les prochaines années seront déterminantes sur l’orientation que prendra le secteur de la mode, entre la fast et la slow fashion, et la prise de conscience collective du public.

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